[EN IMAGES] Locataires excédés par l’odeur d’excréments, les rats et la moisissure

Un propriétaire qui détient plusieurs dizaines de logements devra finalement payer pour avoir négligé les problèmes d’une jeune famille de locataires excédée de vivre dans une maison de Rigaud remplie de vermine, de moisissures et d’émanations d’excréments.

«C’est l’enfer! On voudrait bien partir, mais on ne trouve pas une autre maison à ce prix pour trois enfants, deux chiens et quatre chats», raconte avec la voix nouée Emmanuelle Viens-Juillet, au bord des larmes. 

La semaine dernière, Le Journal a visité la demeure qu’elle loue à Rigaud, dans le secteur de Vaudreuil-Soulanges, pour constater l’étendue des dégâts chez elle.

Vidéo Francis Pilon

Rat gros comme un chat

Selon Mme Viens-Juillet, son exterminateur a tué, depuis 2019, au moins 300 souris qui habitaient dans son grenier.

«Le soir, on les entend dans les murs et le plafond, explique en grimaçant la mère de famille. J’ai déjà envoyé une photo d’une souris attrapée dans la maison au propriétaire. Il m’a même accusée de l’avoir prise au pet shop et mise moi-même dans ma cuisine.»

Pire encore, en février 2022, dans son sous-sol, elle a trouvé un rat de la longueur d’un chat, soit d’une trentaine de centimètres de long.

«Tout ça me donne de l’insomnie. J’ai eu un burn-out et beaucoup de stress. Je m’inquiète aussi pour la santé de mes enfants. Mais je continue de me battre pour mes droits et pour tous les locataires qui doivent confronter leur propriétaire négligent», dénonce la Rigaudienne.

Pas sécuritaire et négligent, selon le juge

La mère de famille mène en effet son combat depuis des années. Elle a d’abord envoyé, en 2019, une mise en demeure pour que son proprio, Serge Bédard, effectue des travaux chez elle et répare sa maison.

Elle a finalement eu gain de cause le mois dernier. M. Bédard a été condamné par le Tribunal administratif du logement (TAL) à diminuer son loyer de 1400$ à 1000$ par mois, «tant qu’il n’aura pas effectué les travaux prévus par la présente décision». 

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En tout, il devra lui payer environ 15 000$ pour les dommages subis. «Le Tribunal considère qu’il néglige son obligation de fournir un logement sécuritaire à la locataire», lit-on dans le jugement.

Odeurs insupportables d’excréments

Le propriétaire devra d’ailleurs changer les fenêtres avec des traces de moisissures et les balcons de la maison en fin de vie. Le tribunal lui a de plus ordonné de boucher les trous permettant à la vermine d’accéder au logement. 

La famille de Rigaud se réjouit que le juge exige à Serge Bédard de réparer la fosse septique après tant d’années de calvaire.

«Ça sent tellement les excréments, on ne peut pas manger ou laisser les enfants jouer dehors en été», déplore Emmanuelle Viens-Juillet. 


Un rat d'une trentaine de centimètres trouvé par Mme Viens-Juillet dans son sous-sol.

Photo fournie par Emmanuelle Viens-Juillet

Un rat d’une trentaine de centimètres trouvé par Mme Viens-Juillet dans son sous-sol.

Selon la locataire, son propriétaire fait tout pour qu’elle quitte son logement et qu’il augmente le prix de son loyer aux prochains occupants. Le TAL lui donne en partie raison. 


Traces de moisissures trouvées dans les prises de la maison louée par Emmanuelle Viens-Juillet.

Photo fournie par Emmanuelle Viens-Juillet

Traces de moisissures trouvées dans les prises de la maison louée par Emmanuelle Viens-Juillet.

«On ne peut donc conclure, suivant la preuve prépondérante, à une conduite continue et répétée ou à des mesures systémiques en vue de restreindre la jouissance des lieux ou d’obtenir le départ de la locataire», écrit le juge.


Fenêtres mal isolées dans la maison louée par la famille de Mme Viens-Juillet.

Photo fournie par Emmanuelle Viens-Juillet

Fenêtres mal isolées dans la maison louée par la famille de Mme Viens-Juillet.

Proprio, au chaud, dans le Sud

Notre représentant a contacté le propriétaire de cette demeure négligée à Rigaud. Serge Bédard nous a précisé qu’il était en vacances pour au moins deux mois en République dominicaine. 

«Attends une minute, je ne parle pas au Journal de Montréal pour de vrai là?» a lancé M. Bédard, sous le choc de notre appel fait pendant son séjour dans les Caraïbes. 


Serge Bédard, propriétaire de la maison louée par Emmanuelle Viens-Juillet à Rigaud.

Photo tirée du Facebook de Serge Bédard

Serge Bédard, propriétaire de la maison louée par Emmanuelle Viens-Juillet à Rigaud.

Il a par la suite allégué que le jugement contre lui dans cette affaire était «mauvais» et que les faits mentionnés par sa locataire étaient des mensonges. 

Notons que, selon des documents consultés par Le Journal, Serge Bédard est propriétaire de dizaines de logements au Québec et en Ontario. Il possède, entre autres, le Camping Trans-Canadien de Rigaud.

«Elle veut juste me faire dépenser, pis dépenser, pis dépenser de l’argent. […] Je ne sais pas si je vais faire appel du jugement. Je suis encore en réflexion là-dessus», mentionne-t-il. 

Combat pas terminé

Malgré cette décision du TAL, la famille d’Emmanuelle Viens-Juillet n’est pas au bout de ses peines. Serge Bédard lui a envoyé un avis de reprise de logement en décembre dernier. Elle devra donc encore se présenter en cour pour contester la reprise.

«Ça m’a pris tout mon courage de mener ce combat. J’ai vu tellement de locataires abandonner leur recours dans des jugements. Je vais continuer à me battre jusqu’au bout, mais je me dis qu’on devrait avoir plus de lois pour nous défendre», conclut la mère de trois enfants.

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